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Les Raisins de la colère / John Steinbeck
Livre
Edité par Gallimard. Paris - 1982
Coup de cœur de la médiathèque.
La force d'un livre est sa capacité à éveiller l’imagination du lecteur. Avec Les Raisins de la colère, on s’endort avec le sentiment d’avoir des cales aux mains, les reins cassés par une dure journée de travail et la peau tannée par des années passées sous un soleil cuisant. On devient un membre de la famille Joad à part entière à chaque page tournée. Au début des années 30, durant la Grande Dépression, des dizaines de milliers de familles du sud des États-Unis, principalement de l’Oklahoma, se retrouvent jetées sur les routes menant en Californie. La famille Joad fait partie de cette multitude de gens qui entreprend un long et pénible voyage vers ce qui semblait être un paradis suite aux tracts qu’ils recevaient quémandant des saisonniers pour les récoltes. Un mirage, une supercherie visant à tirer les salaires vers le bas en jouant sur le rapport très simple de l’offre et de la demande. Les Raisins de la colère est un livre engagé qui ébranle les fondements de cette société. Pas de "rêve américain" pour la famille Joad. Dénonçant le racisme de la population à l’encontre de ces migrants internes, Steinbeck ose écorner l’image de l’Amérique toute puissante et exempt de tous reproches. L’injustice est un thème important dans cette œuvre de Steinbeck. La pauvreté est décrite de façon très intense. Le courage et l’abnégation de ces hommes et femmes accentuent ce sentiment révoltant d’injustice où une famille travaillant toute la journée ne gagne pas suffisamment pour se nourrir. Et lorsque l’on termine les 600 pages du livre, les mots misère et injustice prennent alors tous leurs sens. Un livre qui a aujourd’hui près de 80 ans et qui sonne de façon étrangement contemporaine, notamment dans le fait qu’en temps de crise, les plus riches s’enrichissent de façon exponentielle, alors que les pauvres et les classes moyennes s’appauvrissent. Voici un livre d’une puissance rarement égalée et empreint d’une beauté terrible, une forte critique de la déshumanisation de la société, de la peur de son voisin, de l’obsession pécuniaire et de l’enrichissement au dépend d’autrui. L’œuvre est un formidable appel à l’entraide et à la résistance contre toute forme d’oppression et d'exploitation. A redécouvrir d'urgence !
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